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Togo -
Exclusif/Kokouvi Massémé, Ancien ministre dans le gouvernement de la transition : « Je suis retourné à la terre »
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Après un long exil en Allemagne, Kokouvi Massémé, ancien ministre de l’Administration territoriale et de l’intérieur, gouvernement de la transition issu de la Conférence nationale souveraine (CNS), niche depuis quelques années chez nos voisins de l’Ouest. Il se consacre désormais au travail de la terre qui est devenu son « hobbie ». Kokouvi Massémé que nous avons découvert dans une ferme de l’autre côté de la frontière, a bien voulu se prêter à notre exercice de question-réponse sur ces récentes activités. Lire !
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Massémé Kokouvi
On connaît le ministre Kokouvi Massémé. Mais il a quelque peu disparu de la scène nationale. Qu’est-il devenu ?
Je voudrais d’abord vous remercier très sincèrement du fond de mon cœur d’être venu à moi jusqu’ici, dans mon retranchement, permettez-moi le terme. En même temps, je voudrais profiter pour envoyer mon salut fraternel et patriotique à tous les amis togolais, au Togo et de par le monde. Evidemment, comme vous l’avez si bien dit, j’ai un peu disparu, ou bien je me suis un peu retiré. Disparu, c’est trop dire.
La question est de savoir ce que je suis devenu. Comme vous le voyez, vous me rencontrez dans une ferme, dans un village, ça doit vous donner déjà une idée. Je suis retourné à la terre. Je suis retourné à la terre veut dire que je suis retourné au métier de mes ancêtres. Ce métier qui m’a nourri. Bref, je suis devenu agriculteur.
Du terrain politique à la l’agriculture, il y a un grand pas. Pourquoi avez-vous choisi de vous investir dans ce secteur d’activité ?
Un pas de la politique à l’agriculture, je ne crois pas. Puisque pour moi, la politique est un tout. Même dans l’histoire, l’agriculture est la première activité de l’homme. Du moment où elle constitue cette première activité de l’homme, elle est partie intégrante de l’organisation sociale, donc de la politique. Je trouve tout à fait normal que si la politique ne porte pas, il faut retourner à quelque chose qu’on connaît bien. Et ce que je connais bien, c’est l’agriculture. Parce que c’est elle qui m’a nourri. Je dis ça parce que mes parents étaient des paysans et je trouve mieux que de retourner à l’agriculture.
On imagine que le choix de cette localité, n’est pas un hasard. Quels en sont les avantages ?
Si je dois vous dire pourquoi et comment je suis venu ici, c’est toute une longue histoire. Mais toujours est-il que pour pratiquer l’agriculture, il faut un certain nombre de conditions. D’abord, il faut la terre disponible. Ici, j’ai trouvé cette terre disponible, abondante et fertile. La première condition est remplie. La deuxième condition qui est aussi remplie, c’est que nous sommes dans une zone où il pleut bien. Et la pluie constitue un élément important pour l’agriculture. Si vous me demandez pourquoi j’ai porté mon choix sur ce village, je vous dirai que c’est un heureux hasard. Le chemin m’a été frayé par une de mes nièces.
Un jour j’étais revenu d’Allemagne où je résidais, et dans ma question de savoir où se trouvait cette nièce. On me fait savoir qu’elle est dans la région de Tadjébou en train de pratiquer l’agriculture. Je lui ai rendu visite, j’ai trouvé la région très belle, très accueillante. Et un heureux hasard devient une réalité. Je me suis installé. Je m’y plais.
La plupart de ces genres d’activité se limite à une agriculture de subsistance. C’est le cas chez vous ou vous arrivez à en produire en abondance et trouvez des débouchés pour vos produits ?
(Rire) J’ai l’habitude de dire à ceux qui me visitent ici, que compte tenu de ce que je fais, c’est plutôt un hobbie pour moi. Vous me connaissez, je dépasse aujourd’hui le stade de l’agriculture de subsistance. Tout compte fait, j’étais un grand fonctionnaire, j’avais un salaire. Je ne pouvais plus dire que je pratique l’agriculture pour ma survie. Mais étant né de parents agriculteurs, j’ai gardé dans mon sang l’agriculture. Et ici, ce n’est pas non plus pour m’enrichir que je pratique l’agriculture. C’est en souvenir justement de ce que je fus dans mes premières années d’enfance. Bref, d’abord c’est un hobbie, et finalement, un hobbie intéressant. Ça me permet de me main tenir physiquement, intellectuellement, du point de vue santé, je respire de l’air naturel et je prends plaisir en voyant mes produits pousser. C’est un peu de tout, et ne me dites pas que c’est une mauvaise nostalgie.
Quels sont les produits issus de vos récoltes ?
Les produits que sais faire, c’est d’abord le maïs, parce que je suis d’une région où l’alimentation de base est la pâte. La deuxième culture, c’est le manioc. Vous savez, comme je viens de vous le dire, mes souvenirs me rappellent encore aujourd’hui que quand j’allais à l’école, dans notre région, mes camarades et moi avions dans nos poches du gari. On en mettait en abondance et lorsqu’on achetait du véhi (haricot), pour que le véhi puisse remplir nos ventres, on mettait beaucoup de gari dedans. Aussi, nos parents cultivaient beaucoup le manioc qui constitue une culture de rente pour eux. C’est de ça qu’ils tiraient les revenus pour nous envoyer à l’école. Et nos mamans faisaient du gari et autres produits à partir du manioc. Donc nous mettons un grand accent sur le manioc. Autre chose, il y a les cultures maraîchères qui poussent très bien ici : les gombos, les piments, etc. j’ai oublié, à part les maniocs, nous faisons aussi l’igname et la patate douce. Voilà en quelque sorte l’ensemble des produits que nous faisons dans nos champs, et ça pousse bien. Dieu merci.
Vous faites aussi de l’élevage. Quels types d’animaux élevez-vous ?
Du moment où nous pratiquons l’agriculture, nous produisons du maïs, du manioc ; les résidus de ces produits, pour ne pas les dilapider, on les convertit dans l’élevage. Nous faisons du poulet à l’état naturel, bien sûr. Nous venons d’en consommer, on en a pris dans notre poulailler einh… Nous avons aussi des chèvres, des boucs. Nous avons un projet d’élevage de porcs. Les épluchures de maniocs, nous en faisons en abondance. Je voudrais vous annoncer en même temps par-là que nous transformons nous-mêmes les maniocs en gari, ce qui veut dire que tous les résidus du manioc nous restent, et nous les convertissons en élevage. Donc nous avons très prochainement un projet d’élevage de porcs.
Vous rencontrez sûrement des difficultés dans cette activité. Parlez-nous en.
Ah oui, les problèmes, on en rencontre toujours. Il faut reconnaître que l’agriculture est un domaine extrêmement difficile. Malheureusement, notre agriculture en Afrique, 60 ans après notre indépendance, n’a pas du tout évolué. Nous sommes encore restés aux techniques traditionnelles de production. Ce qui veut dire qu’on est limité dans nos travaux. A mon âge, je ne peux plus cultiver avec la houe. Je suis obligé d’utiliser une main d’œuvre agricole. Dieu merci, ce n’est plus comme dans d’autres villages aujourd’hui, notamment chez nous au Togo, où les jeunes se convertissent tous en conducteurs de taxi-moto et ne veulent plus aller à l’agriculture. Heureusement que dans ce village, ils s’adonnent beaucoup à l’agriculture. Contrairement à ce que j’ai pensé, j’ai une main d’œuvre agricole abondante ici. la deuxième chose, c’est que l’utilisation de la machine agricole est très connue ici. Dans ce village, nous avons plus de 15 tracteurs, ce qui n’est pas le cas dans d’autres villages. Chez nous au Togo, si vous voulez un tracteur, c’est la croix et la bannière. Ici dites-vous bien, les opérateurs de tracteurs viennent eux-mêmes me taper à la porte et veulent travailler pour moi. Cette difficulté aussi est surmontée.
Maintenant, il y a des problèmes d’adaptation. Tout compte fait, vous savez que je ne suis pas de ce village. Je suis étranger. Il faut m’adapter aux habitudes du milieu, ça m’a pris un peu de temps. Aussi, je suis francophone, je ne suis pas anglophone. Donc j’ai de l’assistance à demander au niveau de l’administration, et les pratiques ne sont pas les mêmes. Mais peu à peu, ça va. Je commence à surmonter les difficultés. Je ne dirai pas que j’ai résolu tous les problèmes, mais les gros problèmes sont en voie de résolution. Même les débouchés, il n’y en a pas au Ghana. Nous transformons le manioc en gari. Nous produisons jusqu’à trois ou quatre sacs de gari par jour, ce qui fait une bagatelle de 20 sacs par semaine, donc par mois, ça fait huit à dix tonnes de gari. Et dites-vous bien, j’arrive à écouler ça facilement, parce que nos produits sont de très bonne qualité. Les gens viennent depuis Accra, Sékindi, Kumassi, même depuis Lomé pour acheter notre gari. Notre gari est très demandé. Le maïs se vend aussi bien, mais il faut dire que j’aime beaucoup donner aux gens. Il faut donner du gari, du maïs pour les aider, parce que après tout, c’est notre nourriture de base. Si un parent vient me voir, si un ami me rend visite, il faut qu’il partage ce bonheur avec moi. Je vous en donnerai lorsque vous allez partir. Et vous partagerai ce bonheur avec moi.
Après 3 ans d’activité dans ce secteur, êtes-vous satisfait des retombées ou quelles orientations souhaitez-vous lui donner ?
Avant de venir dans ce village, je ne pensais pas faire faire grand-chose. Pour moi, c’était du hobbie. C’est pour tuer mon temps, puisqu’après tout je suis un fonctionnaire à la retraite. Mais chemin faisant, j’ai trouvé la chose très très intéressante. Tenez-vous bien, à cette petite saison, j’ai fait 33 hectares de maïs, 20 hectares de maniocs. C’est beaucoup. Alors avec une telle production, je ne vais pas vous cacher ma satisfaction. C’est parce que ça donne que j’augmente, donc je suis satisfait. Sauf, les petits aléas de cette année, une pluviométrie un peu anormale. L’agriculture recèle beaucoup de problèmes que vous connaissez bien. Parfois, ces petits problèmes nous découragent, mais après tout, la nature règle bien les choses et nous nous en sortons bien. En quelque sorte je suis satisfait en 3 ans d’activité. La satisfaction ne se mesure pas à ce qu’on ressent soi-même, elle réside dans la manière dont les autres apprécient. Dans le village, les gens apprécient beaucoup nos prestations.
Doit-on désormais considérer que M. Massémé se consacrera désormais à l’agriculture et en a fini avec la politique ?
La politique, si vous ne voulez pas la faire, elle vous fait. Mais la politique africaine est très difficile. Je ne dirai pas que j’ai quitté définitivement la politique. Mais il faut aussi savoir quitter les bonnes choses. Aujourd’hui, j’ai plus de 60 ANS. Après tout, il faut aussi une retraite politique. Vous savez, la politique recèle beaucoup d’énergie. Moi je n’entends pas devenir président de la République à 73 ans. Je ne mets pas un point final à la politique, mais la politique pour la politique. Ce n’est plus de mes forces, mais je peux me considérer toutefois comme une référence dont les jeunes pourront s’inspirer pour faire leur carrière politique. Je suis prêt à apporter ma contribution dans ce sens. Donc pour répondre à votre question, c’est en quelque sorte une retraite pour se consacrer à l’agriculture.
Je vous remercie.
Propos recueillis par I.K
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